La subjectivité est inhérente à la nature humaine, mais relativement plus ou moins forte en fonction des personnes.

Elle est d’abord physiologique, concernant la réceptivité limitée des cinq sens. Nous savons qu’il y a déjà des différences entre les perceptions sensorielles des êtres humains et des animaux. Certains de ceux-ci voient la nuit, d’autres entendent les ultrasons. Même entre êtres humains, il y a des différences qui peuvent être fortes (les « daltoniens » en sont un exemple) ou moins évidentes (par exemple, différences d’acuité visuelle ou auditive).

Elle est aussi fonction de nos typologies Arc En Ciel.

Elle est aussi psychologique, se formant principalement dans l’enfance au cours de laquelle la construction du moi se fait au travers de l’acquisition de schémas familiaux et/ou culturels ainsi que de l’expérimentation de situations marquantes en rapport avec des besoins et des manques importants, en fonction de notre typologie Arc En Ciel.

Des processus d’apprentissage, qui permettent, quand ils sont appropriés, d’appréhender la réalité, sont alors utilisés pour consolider cette déformation : ce sont la généralisation, la sélection et la distorsion des informations.

  • La généralisation permet de tirer d’un cas particulier une loi générale qui évite d’avoir à vérifier à chaque fois tous les composants d’une expérience. Si nous ne disposions pas de cette fonction, nous serions condamnés à redécouvrir la vie et ses lois à chaque seconde.
  • La sélection constitue une sélection normale des informations qui permet la concentration et évite la dispersion. Si nous ne disposions pas de cette fonction, nous serions condamnés à être submergés par les milliers (ou millions) d’informations qui sont en permanence à notre disposition.
  • La distorsion est un facteur d’expression personnelle de l’imaginaire en même temps qu’une dynamique d’action et d’évolution entre un présent réel et un futur hypothétique (art, créativité, projets, plans, objectifs…). Si nous ne disposions pas de cette fonction, nous serions condamnés à végéter dans un présent sans saveur.

A l’occasion de cette acquisition et de cette expérimentation au cours de l’enfance, ces processus se mettent progressivement en place d’une façon inadaptée, et contribuent à donner à la perception de la réalité un caractère de plus en plus subjectif :

  • La généralisation fige une situation particulière en une constante et fait de ce cas particulier une généralité erronée. Elle prend la forme de mots sans index référentiel (on, les gens) et de quantifieurs universels (personne, toujours, jamais, il faut, on doit, c’est bien, c’est mal…). Les deux proverbes suivants nous en mettent en garde : « L’habit ne fait pas le moine » et « L’hirondelle ne fait pas le printemps ».
  • La sélection permet de sélectionner des aspects partiels de la réalité et donc d’en occulter d’autres, et de ne pas tenir compte de l’ensemble des composants d’une situation. « Chacun voit midi à sa porte » dit un autre proverbe ; cette sélection est souvent effectuée pour appuyer les généralisations erronées : nous risquons de retenir principalement ce qui nous conforte dans nos généralisations et de laisser de côté ce qui pourrait aller à l’encontre de celles-ci.
  • Enfin la distorsion permet d’imaginer la réalité actuelle autrement qu’elle n’est en la modifiant, en lui rajoutant des éléments inexistants, en mettant en relation différents éléments qui la composent mais qui n’ont pas de rapport particulier entre eux, ou en la comparant avec la perception d’une réalité autre ou passée toujours différente. C’est oublier que le changement est une constante universelle qui menace en permanence notre quête de sécurité, ce que nous appelons la loi du changement : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » écrivait il y a bien longtemps le philosophe grec Héraclite. Ce processus de distorsion inappropriée prend la forme de projections, de présuppositions, de relations de cause à effet arbitraires, d’interprétations, de comparaisons ou d’anticipations hasardeuses. « Chat échaudé craint l’eau froide » dit enfin un autre proverbe.

La mise en place de façon inadaptée de ces trois processus a pour résultat que nous ne vivons pas dans le monde tel qu’il est mais dans notre monde tel que nous sommes, ce que nous appelons la loi de la perception-décision : « Ce qui trouble les êtres humains, ce n’est pas les choses mais le jugement qu’ils portent sur les choses » comme l’écrivait il y a aussi bien longtemps le philosophe Epictète.

Nous verrons dans un article suivant comment minimiser le risque d’inappropriation de ces trois processus.